Pour Jean-Richard Sulzer, responsable de la commission économique du Front national, professeur de gestion à Paris Dauphine, une requalification des heures supplémentaires à compter du 1/1/2012 prouverait que l’Etat n’a pas de parole.
CA : Que pensez-vous des choix budgétaires de la nouvelle équipe gouvernementale ?
JRS : Je pense que le gouvernement s’intéresse trop aux nouvelles recettes et pas assez aux économies.
Le discours consistant à dire que c’est aux entreprises de cotiser plus est un mensonge et un danger. Un mensonge car ce sont les classes moyennes qui vont essuyer une bonne partie des nouvelles levées d’impôt. Et un danger car, soit l’effort fiscal demandé aux entreprises est répercuté sur les consommateurs, ce qui pèsera sur leur pouvoir d’achat. Soit il ne peut pas l’être, et cela va inciter les chefs d’entreprises à se délocaliser.
CA : Le débat autour de la loi de finances rectificative bat son plein. Quels amendements le Front National déposera-t-il ?
JRS : Nous allons notamment déposer un amendement sur la suppression de l’aide médicale d’Etat (AME) pour les clandestins. Cette aide peut avoir son utilité pour les personnes en garde à vue ou les touristes qui font un malaise. En revanche, elle doit être supprimée pour les sans-papiers, notamment car elle crée un effet d’aspiration.
CA : Déposerez-vous d’autres amendements ?
JRS : Oui, nous trouvons notamment aberrant de supprimer la prise en charge des frais de scolarité d’enfants français dans un établissements scolaire français situé à l’étranger. Ces frais sont pris en charge en métropole et je ne vois pas pourquoi les expatriés n’y auraient pas droit.
De surcroît cette mesure a un coût budgétaire pour l’Etat dérisoire : 12,5 millions € pour 2012 et 31,9 millions € d’ici à 2014. Il y a des postes sur lesquels on peut économiser davantage et avec plus d’équité.
Sur un autre plan, nous allons demander le rétablissement de la TIPP flottante car, vous l’avez remarqué, on voit toujours les changements à la hausse mais rarement à la baisse.
CA : Quelle est la position du Front National quant à la « refiscalisation » des heures supplémentaires ?
JRS : Nous sommes radicalement contre a fortiori si, comme le suggère un amendement gourdin, la requalification s’effectue à partir du 1er janvier 2012.
Il n’est pas normal de taxer les gens rétroactivement. L’Etat n’a pas de parole et ceux qui ont construit leur budget en misant sur cette défiscalisation n’ont pas à être pris à contre-pied.
CA : Quelle est votre position quant à l’affectation d’un compte spécial pour la Grèce ?
JRS : Nous sommes contre car la création de ce compte. Elle équivaut à l’abandon par la Banque de France d’une partie des intérêts détenus sur la Grèce. Soit, 198,7 millions € en 2012 et 754 millions € d’ici à 2020.
Nous sommes contre ce compte d’affectation, d’abord par ce que c’est au contribuable grec et non pas au contribuable français de payer l’addition. Mais aussi, parce qu’ils existe d’autres moyens de financer Athènes, notamment via les prêts bilatéraux ou l’aide qui lui est dispensé à travers le FMI.
CA : Pourriez-vous voter certains des amendements de l’UMP ?
JRS : Pourquoi pas ? Nous voterons les amendements que nous jugeons utiles à la nation, qu’ils émanent de l’UMP ou d’autres.
CA : Que pensez-vous du durcissement de l’impôt sur le revenu des particuliers ?
JRS : Ce n’est pas un sujet traité par la loi de finances rectificative. Le principe de la création d’une tranche intermédiaire à 45% est parfois évoqué dans le cadre de la loi de finances 2013. A priori, nous n’y sommes pas favorable.
CA : Quelle est votre position sur le relèvement des droits de succession ?
JRS : Nous sommes contre l’abaissement du seuil d’exonération de 150 000 à 100 000 € pour les petites successions.
CA : Que vous inspire la situation de PSA ?
JRS : C’est un désastre. Comme nous le proposions pour les banques, je pense qu’il ne faut pas hésiter à placer certaines entreprises sous le contrôle provisoire de l’Etat quand il s’agit d’une affaire d’intérêt national.
Cette nationalisation doit cependant être ponctuelle et les groupes retourner au privé dès que leur situation est en voie d’assainissement.
CA : La sortie de l’euro vous semble-t-elle toujours souhaitable ?
JRS : Je crains que l’Europe ne soit en train d’entrer en récession avec une politique déflationniste ayant débouché sur le Front populaire.
L’avenir de l’euro n’est pas assuré et sa fin fait désormais partie intégrante des hypothèses de travail retenues par les experts.
Propos recueillis par DL