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Emmanuel Macron, ce rentier

Emannuel Macron, notre brillant ministre de l'économie est devenu ces derniers mois le symbole de la modernité, de l'innovation, du courageux entrepreneur qui, à la force du poignet bâtit sa fortune tout en étant parti de zéro. De fait, il pourfend les "rentiers" faces aux valeureux "entrepreneurs" qui prennent des risques : "...si on a une préférence pour le risque face à la rente, ce qui est mon cas, il faut préférer par exemple la taxation sur la succession aux impôts de type ISF". 

La logique élémentaire voulant que l'on s'applique les principes que l'on prétend vouloir imposer aux autres, il devrait donc être évident que le Ministre ne tire aucun euro d'une quelconque rente. La chose est donc entendue, la fortune de Macron est uniquement due à ses compétences et son travail. Pourtant, quand on consulte sa déclaration de patrimoine, on découvre que chaque année, il touche mysterieusement 30000€ de "revenus fonciers"... Or, un revenu foncier n'est rien d'autre que ce que l'on touche (loyers, revenus de parts sociales et société immobilières, ...) grâce à la possession d'un bien, c'est à dire sans rien faire. C'est une rente au sens le plus strict et le plus étroit du terme.

Comment ? Emmanuel Macron exigerait donc des autres des vertus qu'ils n'a pas lui même ??... On nous fera sans doutes plusieurs objections.

1) 30000€ par an, c'est une toute petite somme. Effectivement, le ministre étant millionnaire, 30000€ font pale figure aux milieux de ses appartements, PEA, comptes courants bien garnis et autres salaires. Mais vous oubliez une chose. En effet, E. Macron est un innovateur, un entrepreneur, et prend donc un nombre considérable de risques, ce qui justifie sa fortune. Par conséquent, rien n'empêche de penser que demain il ne se retrouvera pas sans le sous. A ce titre, 30000€ par an représente largement de quoi vivre, plus de 2500€ par mois avant impôts... 

Je ne sais pas si il existe beaucoup de gens pour croire à ce que je viens de dire ci-dessus, personne ne pense que Macron se retrouvera un jour sur la paille, quel que soit le niveau de "risques" auquel il s'expose. Mais au moins, cela met en lumière à quel point la belle histoire de l'entrepreneur qui se lance à corps perdu dans une affaire est une fable, du moins pour le haut du panier. En fait, pour montrer que 30000€ est une grosse somme, il suffit de le comparer au RSA pour une personne seule : 9400€ par an. Plus encore, ce simple revenu foncier suffirait à lui seul (et je dis bien à lui seul) à classer Macron parmi les 20% les plus riches, le salaire médian étant aux alentours de 20000€ en 2013. 

2) Certes, ce revenu est aujourd'hui une rente, mais elle est tirée de prise de risque et de travail qui a eu lieu par le passé. On peut considérer qu'il n'est pas immoral de tirer toute sa vie des revenus à partir d'efforts qui ont eu lieu au début de sa vie. Mais on peut considérer le contraire, comme l'a fait Nicolas Sarkozy qui critiquait les professeurs d'universités, qui sont en poste à vie une fois qu'ils ont été affectés au début de leur carrière. On peut aussi dire que la fortune accumulée qui permet cette rente n'est en rien due à l'effort et au risque, ou alors très partiellement. Il est largement reconnu aujourd'hui que le capital ne se limite pas au compte en banque, mais il est aussi (selon la typologie de Pierre Bourdieu) social, culturel, et symbolique. Le célèbre militant communiste Milton Friedmann l'expliquait dans Capitalisme et Liberté. 

Or de ce point de vue, on ne peut pas dire que le ministre en ait été privé. Ses deux parents étaient médecins, et son père fut même professeur de médecine en faculté. Qui peut croire une seule seconde qu'il n'était pas avantagé dans l'obtention de son Bac S avec mention très bien ? Il a intégré les meilleurs établissements dès son enfance, privés bien entendu. Au lycée, il sera à Henri IV, loin de sa région natale. Est-il plus difficile d'émigrer en région parisienne (et son cout de la vie) lorsque l'on vient d'une brillante famille de médecin ou, comme moi, d'employés ? 

Mais bizarrement, ces questions sont très largement passé sous silence. Tout le monde semble prêt à reconnaître que la capital n'est pas un simple héritage monétaire, mais aussi des relations sociales, des éléments socioculturels précis... En revanche, personne n'en tire les conséquences morales, à savoir que la fortune de Mr. Macron n'a rien de spécialement lié à l'effort ou au risque. Et personne ne voit d'incohérence lorsqu'il dit que : "[le travail est] la première source d’émancipation individuelle et parce que c’est le moyen le plus puissant de se libérer du déterminisme (...)C’est parce que je crois au travail que je me suis inscrit en classes préparatoires et que j’ai tenu à passer ensuite les concours républicains". (En marche.fr). Moi aussi je me suis "inscrit" en classe prépa. Je ne sais pas pourquoi, mais il n'ont pas voulus de moi... 

Revenons à notre question de départ : ces 30000€ sont-ils justifiés ? Clairement pas, à la lumière de tout ce que nous avons dit. Le ministre se voulant le pourfendeur des rentiers contre ceux qui risquent, il ne peut -s'il à un minimum de cohérence intellectuelle- continuer à percevoir cette rente tout en aboyant sur les notaires, les allocataires du chômage et des syndicaliste. Ces privilégiés.