• Génération Marine.

    http://www.liberation.fr/politiques/2012/09/21/kaleidoscope-d-une-generation-marine-en-formation_848044

    Kaléidoscope d’une «génération Marine» en formation

    Reportage Dans une réunion à Paris, de jeunes adhérents, pour certains venus de la gauche, expliquent ce qui les a poussés à rejoindre le parti d’extrême droite.

    Par CHARLOTTE ROTMAN

    Ils se serrent les mains et se sourient. «Tu viens à La Baule ?» Pour beaucoup, l’université d’été du FN, ce week-end, sera une première. Excitant. Au siège parisien du parti, rue Jeanne d’Arc (ça ne s’invente pas), ils sont une cinquantaine de jeunes, réunis pour parler de la laïcité avec Bertrand Dutheil de La Rochère, ancien chevènementiste. Presque un prétexte pour se fréquenter.

    Guetteur. La veille, François, 24 ans, Alexandre, 22, et quelques copains sont allés «coller», dans le Val-de-Marne. Ils évoquent leur escapade nocturne, une bière à la main : rendez-vous sur un parking, un petit coup à boire, deux équipes de trois, et c’est parti. Des anciens leur ont appris les règles : laisser quelqu’un au volant avec le moteur en marche, ne pas claquer la portière, avoir un guetteur, ne pas répondre aux provocations. François aime ces «actions de cohésion», où on se sent «camarades». «Il faut y croire, pour se les peler le soir, mais ça vit, ça vibre, on est un peu une avant-garde maintenant.» Il est au FN depuis 2011, comme d’autres jeunes venus pour «Marine», régénérer les troupes de la formation d’extrême droite. Il fait partie des nouveaux venus que le FN se doit de garder. «C’est l’un de nos chantiers», confirme Steeve Briois, maître d’œuvre de la réorganisation, qui estime à 60 000 les adhérents à jour de cotisation (ou avec six mois de retard). Un chiffre invérifiable. Certains sont venus après la présidentielle. «Nous avons enregistré une importante vague au mois d’août. C’est une nouvelle tendance historique après une séquence électorale majeure. Il n’y a pas eu de déception, mais un effet booster», fanfaronnait, la semaine dernière, Marine Le Pen.

    Antoine a adhéré juste avant, en avril. Il habite Melun, en Seine-et-Marne. Peintre en bâtiment, il ne trouve pas de boulot. «J’ai même fait des boîtes d’intérim, j’ai dit : "Donnez-moi n’importe quoi, même de la manutention sans qualifications", j’en ai fait cinq et ils m’ont dit : "Il n’y a rien."» Il a 22 ans, avant il se «foutai[t] de la politique». Mais il a été séduit par les slogans du FN, la «souveraineté nationale» et «le peuple français d’abord». Il aimerait militer davantage, mais ne se sent pas d’aller sur les marchés : «Je n’ai pas trop la tchatche», dit-il.

    La salle de réunion ressemble à une tanière. Des murs recouverts de lattes de bois, des livres sur la religion ou l’histoire de France, de gigantesques affiches. Peu de lumière. Il y fait chaud. Au premier rang, un jeune homme sage en lunettes et costard. Quelques-uns ont des croix autour du cou. Peu de femmes. «Ça dépend : est-ce que les homos peuvent compter comme femmes ce soir ?» s’amuse l’une des rares militantes. La plupart n’ont pas de look particulier. «On nous stigmatise de trop», glisse un habitué. Qui ajoute, pour preuve : «Lui, il s’appelle Karim.» Le regard exalté, Jonathan, 22 ans, étudiant en droit, se réclame de «la génération Marine». «Je n’ai pas honte de mes idées, c’est la seule qui propose une vraie opposition, la seule à défendre la République et la laïcité. Et, avec la crise, elle est la seule à défendre un vrai programme social quand l’UMP et le PS proposent la même chose dans une Union européenne trop libérale.» On ne l’arrête plus : «L’homme n’est pas une marchandise, la France est exploitée par le grand capital apatride…» Jonathan, avec un père gaulliste et une mère désabusée de la politique, a pris sa carte juste avant l’accession de Marine Le Pen à la tête du FN. Au second tour de la présidentielle, il a voté Hollande.

    «Ville islamiste». Lucie, 27 ans, aide à domicile, est venue avec sa fille de 8 ans, occupée à admirer les stylos (3 euros) ou les Zippos (8 euros) à l’effigie du Front national. Elle a adhéré dans «un moment de ras-le-bol», après deux ans en banlieue, à Chanteloup-les-Vignes (Yvelines). Dans ce qu’elle appelle une «ville islamiste», elle en a trop vu : la caserne de pompiers attaquée, le vol du chien de sa fille, d’une valeur de 1 000 euros, la peur des agressions. Elle égrène la liste et on perçoit les maux : l’insécurité, l’immigration.«J’ai des amis de couleur et de nationalité étrangère, ma fille est mate de peau et quand je faisais ses cartons d’anniversaire, il fallait s’accrocher pour l’orthographe des noms, ses copines de l’école étaient de toutes les origines», ajoute-t-elle.Elle a pris sa carte en déménageant à Paris. Elle en avait «marre de [s]e cacher». Ce soir-là, on trouve des déçus de la gauche, des transfuges de l’UMP : le parti est «protéiforme», se réjouit Romain, 26 ans, au FN depuis le 1er mai et habitant de Seine-Saint-Denis. «Le peuple des adhérents ressemble dorénavant aux électeurs, c’est plus varié», confirme Steeve Briois. Romain, issu d’un milieu modeste, y est venu contre «une gauche embourgeoisée et bobo qui nie l’insécurité». Quand il révèle qu’il est au Front, lui qui se sent «proche des petites gens» se retrouve «catalogué réac méprisant le peuple» .

    François, le colleur d’affiches, rond et souriant, passe d’un groupe à un autre. Affable. Il vient du Nord. D’une famille de gauche, avec un père ouvrier partisan d’Arlette Laguiller et une mère prof, qui ont voté Mélenchon puis Hollande. Pour lui, «la gauche a trahi les ouvriers. Voter Hollande ce n’est pas voter pour les ouvriers.» Un exemple ? «Sur les immigrés, la gauche est d’accord avec le Medef, il faut en faire venir pour baisser les salaires. Les premières victimes, ce sont les ouvriers, les pauvres et les classes moyennes, qui, eux, vivent en banlieue.» Il fait partie des 50 jeunes militants d’Ile-de-France qui devaient partir vendredi pour La Baule, ambiance de colo bleu-blanc-rouge assurée. En 2002, à 15 ans, il a défilé contre Jean-Marie Le Pen, présent au second tour de la présidentielle : «Je pensais que c’était grave, j’étais victime de la propagande. Au collège, à Lille presque toute la classe allait manifester.» En 2007, il avait voté Sarkozy.

    « Un policier et une jeune femme décédés pour la frime....Les dérives de l'antiracisme. »
    Partager via Gmail Delicious Technorati Yahoo! Google Bookmarks Blogmarks

    Tags Tags : , , , ,
  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :